Ateliers d’appropriation
L’idée de convertir en tournage chaque rencontre avec les détenus a porté ses fruits.
Ainsi, ce que nous appelions autrefois atelier de programmation, et qui aujourd’hui s’appelle « atelier appropriation », a pu donner naissance à une forme légère. À notre avis, cette proposition vaut mieux que le travail initial de visionnage de films, en vue d’une sélection de programmation.
En effet, les détenus se sont avérés le plus souvent indifférents au choix de diffuser un film plutôt qu’un autre. Les films, souvent inconnus, n’évoquent rien à la simple lecture du catalogue (catalogue image de la culture, courts-métrages...). D’autre part, consacrer cinq séances à visionner cinq films, en garder trois, défendre cette sélection et la partager, apparaît comme une perte de temps qui n’implique pas suffisamment les détenus dans un véritable exercice du regard.
L’éducation au regard semble vaine quand elle ne repose pas sur un désir fort de montrer.
Les ateliers d’appropriation visent donc à rendre les participants sensibles à des formes plus qu’à des sujets.
Aujourd’hui, ils ont largement trouvé place aux côtés d’une programmation réduite à une consultation thématique (seule prise possible). Peu nous importe finalement que les détenus choisissent ce qui est montré sur le canal, si ces choix n’en sont pas vraiment. Pourvu que ce canal leur fasse découvrir des formes autour de sujets qui les intéressent et surtout que nous trouvions le moyen d’impliquer leurs regards par un autre biais. Celui d’un tournage, précisément.
Une sélection d’archives INA, à la fois variées et de format court est importée dans l’atelier depuis une clé USB. Le groupe de détenus en choisit une ou deux selon leur goût, en fonction de la puissance d’évocation des archives.
Les détenus manipulent, voient et revoient l’extrait, le font défiler en avant, en arrière et s’attachent à des détails, les commentent, laissent libre cours à leur parole, leurs souvenirs. Captées par la caméra, cette manipulation et ces évocations sont ensuite associées à l’archive pour constituer une nouvelle forme documentaire, et surtout un rapport à l’extérieur, à l’histoire partagée, à la mémoire collective.
En terme d’éducation au regard, cette étape de manipulation des images permet aux détenus de comprendre de quoi elles sont faites et comment elles s’organisent en vue de produire du discours.